Entre les flaques d'eau, des enfilades de sandales ouvertes, de baskets mouillées, de bottes usées. Les files d'attentes s'étirent, quotidiennes, permanentes. L'existence précaire dans le camp de Samos est rythmée par la succession de tranche d'horaires ; chaque jour, il faut se glisser dans une queue, patienter, piétiner vers une collation, un vêtement, l'espoir d'une douche chaude. Ce rituel semble exacerber l'attente floue, pesante et absurde, dans laquelle toutes et tous sont plongés, en faisant d'hier le synonyme d’aujourd’hui, et du jour suivant.
« Tous les jours tu te dis demain, demain ça ira mieux, ça avancera, et puis le lendemain tu te dis encore demain.. Un mois et c'est toujours demain... Deux mois, trois mois, demain, demain... »
L'attente pourrait être plus
supportable si quelques poignées de certitudes pouvaient se glisser
dans l'écoulement des jours. Mais les réfugiés restent suspendus à
des rendez-vous futurs, toujours incertains : après une
première identification à l'arrivée, des semaines s'écoulent
avant un entretien, puis des mois avant une réponse à la demande
d'asile. Par le règlement Dublin III, celle-ci doit concerner
uniquement la Grèce ; seules quelques personnes, mineurs
isolés, mari ou femme, peuvent espérer rejoindre leur famille
ailleurs en Europe. Pour les autres, un retour en Turquie plane
toujours au dessus de leur existence précaire, un retour dont les
contours restent constamment flous : un nouveau camp ou l'ombre d'un centre de détention.
L'attente, toujours l'attente,
décourageante ou révoltante : une trentaine de syriens et
syriennes ont organisé, ce matin, une manifestation dans le camp.
Brandissant des pancartes battues par la pluie, ils ont crié leur
colère d'être maintenu ici, dans l'incertitude, par un slogan
simple, évident : « Athina, Athina ». Athènes, le continent européen, un espoir : avancer, vers
une existence digne, sure, humaine. Puis, un autre appel a résonné
entre les grilles ruisselantes, un cri du cœur pour un pays ployant
sous les bombes et la mitraille, pour des terres brûlées qu'ils ont
du fuir, avant de se retrouver ici, méprisés par l'Europe :
« Syria, Syria ».
Manifestation dans le camp de Samos - 16 janv. 2016 |
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