lundi 16 janvier 2017

Horizon d'incertitudes


Entre les flaques d'eau, des enfilades de sandales ouvertes, de baskets mouillées, de bottes usées. Les files d'attentes s'étirent, quotidiennes, permanentes. L'existence précaire dans le camp de Samos est rythmée par la succession de tranche d'horaires ; chaque jour, il faut se glisser dans une queue, patienter, piétiner vers une collation, un vêtement, l'espoir d'une douche chaude. Ce rituel semble exacerber l'attente floue, pesante et absurde, dans laquelle toutes et tous sont plongés, en faisant d'hier le synonyme d’aujourd’hui, et du jour suivant.

« Tous les jours tu te dis demain, demain ça ira mieux, ça avancera, et puis le lendemain tu te dis encore demain.. Un mois et c'est toujours demain... Deux mois, trois mois, demain, demain... »

L'attente pourrait être plus supportable si quelques poignées de certitudes pouvaient se glisser dans l'écoulement des jours. Mais les réfugiés restent suspendus à des rendez-vous futurs, toujours incertains : après une première identification à l'arrivée, des semaines s'écoulent avant un entretien, puis des mois avant une réponse à la demande d'asile. Par le règlement Dublin III, celle-ci doit concerner uniquement la Grèce ; seules quelques personnes, mineurs isolés, mari ou femme, peuvent espérer rejoindre leur famille ailleurs en Europe. Pour les autres, un retour en Turquie plane toujours au dessus de leur existence précaire, un retour dont les contours restent constamment flous : un nouveau camp ou l'ombre d'un centre de détention.

L'attente, toujours l'attente, décourageante ou révoltante : une trentaine de syriens et syriennes ont organisé, ce matin, une manifestation dans le camp. Brandissant des pancartes battues par la pluie, ils ont crié leur colère d'être maintenu ici, dans l'incertitude, par un slogan simple, évident : « Athina, Athina ». Athènes, le continent européen, un espoir : avancer, vers une existence digne, sure, humaine. Puis, un autre appel a résonné entre les grilles ruisselantes, un cri du cœur pour un pays ployant sous les bombes et la mitraille, pour des terres brûlées qu'ils ont du fuir, avant de se retrouver ici, méprisés par l'Europe : « Syria, Syria ».


Manifestation dans le camp de Samos - 16 janv. 2016


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